Le sourire aux livres
Delphine Raimond, en direct de l'Île Maurice
Un parfum d'herbe coupée
Nicolas Delesalle
Nicolas Delesalle signe ici son premier roman, et quelle claque ! Acheté au hasard dans ma librairie de Grand Baie qui depuis des mois n'est plus livrée, il devenait cependant urgent pour moi de dégoter de nouvelles lectures, de découvrir de nouveaux auteurs, aussi.
Le titre m'a parlé immédiatement, je ne sais vous dire pourquoi... et quel voyage !
L'histoire :
Une plongée dans les souvenirs de Kolia le narrateur, son enfance, ses morceaux de vie et d’histoire… Une voiture bleu perroquet abritant la ménagerie en direction des vacances ; les premiers émois ; les années du primaire, du collège, du lycée, les professeurs, marqueurs d’influence et de traumatismes ; le regard sur la famille, les parents ; les soirées devant la télévision de Michel Drucker… Et tout le reste.
Mon avis:
Publié en 2013, je dirais que ce roman n’a pas pris une ride. Une succession de chapitres non chronologiques comme autant de nouvelles délicieuses et incroyablement vivantes, pour nous emporter… littéralement. La France de la classe moyenne en banlieue parisienne et à la campagne, des années soixante-dix au siècle suivant. On y était et l’on s’y retrouve ; on s’identifie, car tout nous parle. Kolia évoque sa famille, ses sœurs, ses potes, ses profs, son chien Raspoutine, avec une tendresse et une subtilité déconcertante. C’est le roman des premières fois.
J’ai immédiatement été happée par une écriture au style singulier, un vocabulaire riche et naturel à la fois, pur et profond. Chaque mot trouve sa place, avec une incroyable justesse ; la plume du journaliste est reconnaissable. Avec originalité, il s’adresse de son vivant à son arrière-petite-fille qui est encore loin d’exister – et qu’il appellera Anna – pour lui raconter sa vie, son parcours, pour qu’elle sache, retienne, conserve et imagine.
Ce roman est joyeux, nostalgique, frais, tendre, émouvant, attachant, drôle… Il est tout à la fois : une pépite. Un récit intelligent gorgé d’humour, d’esprit, d’ironie. Les anecdotes, les scènes de vie émouvantes et attachantes, se succèdent dans un rythme pesé, un tourbillon d’images colorées et cocasses. Ce roman nous parle, nous interpelle sur la part de l’enfance encore présente en chacun de nous. Que reste-t-il de ce vécu, de ces vestiges enfouis, de la malice de l’enfance ? Que faisons-nous des souvenirs, de leur poids sur nos épaules ? Quel regard porte-t-on sur ce qu’ils ont fait et font de nous ?
Cette œuvre est pour moi du bonheur à l’état pur ! Et surtout, surtout (j’insiste), elle est excellemment bien écrite. La tournure des phrases, leur légitimité, l’aisance avec laquelle Nicolas Delesalle les pose délicatement sur le papier, les enrobant d’émotion et de nostalgie. À la fin du livre, vous retrouverez les romans que l’auteur y évoque et qui ont changé sa vie, sa vision sur la littérature, comme autant de bons conseils de lecture classique.
Ce premier roman est une révélation. Un moment jubilatoire. Écrit avec un talent rare, il se lit avec frénésie et ne se lâche plus. Un seul regret, justement : il est bien trop court.
Touchée en plein cœur, je dois vite partir à la recherche du second : Le goût du large.