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Toutes les familles heureuses

Hervé Le Tellier

Mathématicien de formation, Hervé Le Tellier a toutes les cordes à son arc dans l’univers littéraire et culturel français, de l’écriture à la radio, en passant par le journalisme, la linguistique et l’édition. Ce roman très court est le premier que je lis de l’auteur, ayant toujours présumé son style un peu trop ciselé pour moi. Une découverte intéressante, mais qui ne me conquit pas totalement.  

L'histoire :

« Mon père, mon beau-père sont morts, ma mère est folle. Ils ne liront pas ce livre, et je me sens le droit de l’écrire enfin. Cette étrange famille, j’espère la raconter sans colère, la décrire sans me plaindre, je voudrais même en faire rire, sans regrets. Les enfants n’ont parfois que le choix de la fuite, et doivent souvent à leur évasion, au risque de la fragilité, d’aimer plus encore la vie. »

Mon avis:

Une critique presse de novembre 2017 du journal Le Point en parlant du roman : « Toutes les familles heureuses, ou comment Hervé Le Tellier, entre Desproges et Houellebecq, fait de la généalogie à coups de serpe. » Concis, juste, bien résumé !

Il m’est difficile d’aller dans le sens général des avis sur ce roman, très majoritairement positifs, car son écriture est certes aboutie et extrêmement bien maîtrisée – n’est pas Le Tellier qui veut ! – mais cette autobiographie est un peu trop « lourde » pour moi. Pour en avoir lu quelques unes de divers auteurs, j’aime en savoir plus sur leur enfance, leur parcours, leurs souvenirs, souffrances et exaltations, mais au fil de la lecture de celle-ci, je me suis perdue. 

 

D’accord, la plume est délicieusement incisive et les propos subtilement choquants ; pas de langue de bois, un saupoudrage d’humour bien affuté pour faire passer la pastille : le résultat est impeccable. Mais puisque tous les membres, proches ou lointains, de la famille d’Hervé y passent, au bout d’un moment (voire rapidement), on ne sait plus qui est qui, on décroche ! L’auteur règle ses comptes, non sans dérision et autodérision, et nous explique, à nous, lecteurs un peu voyeuristes sur les bords, quelle famille dysfonctionnelle est/fut la sienne et pourquoi et comment il a su qu’il « était un monstre ».

« Il y aurait du scandale à ne pas avoir aimé ses parents. Du scandale à s’être posé la question de savoir s’il était ou non honteux de ne pas trouver en soi, malgré des efforts de jeunesse, un sentiment si commun, l’amour dit filial. » Voilà comment commence le roman, les dix-huit courts chapitres développent ensuite l’idée et chaque membre de cette singulière dynastie en prend pour son grade. Caustique, mais drôle, puisque l’on sourit tout de même au cynisme et à l’ironie de l’écrivain. Et l’on applaudirait presque à son courage pour s’en être sorti indemne.

 

Même si le récit n’est finalement autre que l’histoire de sa famille, les personnages décrits ont un côté romanesque, et le tout, sur fond de décor historique du Paris des années 30 à nos jours, signe une saga intéressante. Je relève surtout une belle écriture au vocabulaire riche et choisi, pour envelopper le pathétisme de certaines situations ou l’anormalité d’autres.

 

Hervé Le Tellier nous parle ici de rupture familiale, de relations conflictuelles, de fuite salvatrice (ou pas), mais aussi de la connerie humaine, de la maladie d’Alzheimer, ses ravages, et de sentiments comme la honte ou l’incompréhension…

Ça sonne comme une thérapie pour l’auteur, qu’il choisit de partager avec ses lecteurs. Intrusif est notre regard, dosé est pourtant le récit qui tour à tour nous choque et nous émeut.

Je suis donc mitigée quant à l’avis de ce roman : bien écrit, mais qui m’a vite fait fléchir. Je me suis néanmoins accrochée pour parvenir aux dernières pages, révélant toute la sensibilité de monsieur Le Tellier.    

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