top of page

Le voisin

Tatiana de Rosnay

Tatiana de Rosnay fait partie des écrivains que j'ai découverts ici, et il se trouve que son papa, le scientifique, conférencier et écrivain Joël de Rosnay,  est né à l'Île Maurice ; à Curepipe, plus exactement.

C’est la curiosité qui m’a poussée à découvrir la plume de cet auteur déjà mondialement connu depuis presque trente ans, et mon avis est… tiède.

De bonnes choses, mais aussi de moins bonnes.

L'histoire :

Colombe Barou est une épouse docile et effacée qui attend patiemment que son mari rentre de ses déplacements professionnels tout en élevant leurs jumeaux, Balthazar et Oscar. « Nègre » dans une maison d’édition, elle écrit pour les autres, enfermée dans un bureau minuscule sous les toits. La famille s’installe bientôt dans un bel appartement et l’existence paisible de cette femme sans histoires – et sans réactions – se poursuivrait sans heurts si le voisin du dessus n’avait pas décidé de transformer ses nuits en enfer. La vie de la jeune femme va alors se mettre à dérayer.

Mon avis:

Commençons par le bon : l’intrigue est séduisante, elle présente, à priori, un potentiel certain quant à l’intérêt du roman. Rapidement mise en place, elle plonge le lecteur dans une tension psychologique qui le pousse à tourner les pages pour savoir, pour comprendre. L’histoire est donc intéressante, malgré sa banalité, parce que menée avec rythme et mouvement pour tenir le lecteur en haleine. L’écriture est agréable – quoiqu’utilisant beaucoup de majuscules et phrases en italiques qui en alourdissent parfois la fluidité. Les personnages de Colombe et de Stéphane, son mari, sont correctement décrits : une femme peureuse et dénuée de personnalité sous l’emprise d’un homme très occupé professionnellement et peu impliqué dans les soucis quotidiens de son épouse en son absence. Une pointe de sensualité frisant l’érotisme est aussi présente.

Mais très vite – trop vite – il devient difficile de rester accroché à l’histoire tant elle présente d’invraisemblances. Pourquoi Colombe est la seule à entendre le vacarme nocturne de son voisin médecin ? La seule à ne pas connaître cet homme décrit par tout l’immeuble comme quelqu’un d’adorable et de charmant ? Pourquoi le bruit assourdissant n’est audible que dans sa chambre ? Pourquoi se laisse-t-elle à ce point posséder par ce type qui pourrit ses nuits à grands coups de tubes des Rolling Stones poussés à fond ? Pourquoi n’a-t-elle jamais l’idée d’enregistrer ce qu’elle vit lorsqu’elle est seule, puisque personne ne la prend au sérieux ?

Eh bien on imagine ces incohérences comme voulues par l’auteur pour brouiller les pistes, semant le doute dans l’esprit du lecteur qui ne connaît toujours pas le fameux voisin et se pose de sérieuses questions sur lui, sur le mari et sur la sœur de Colombe...

Jusqu’au bout, donc, le style est sombre, anxiogène, l’angoisse est palpable et l’on parvient à entrer dans la tête de Colombe devenue folle. J’y vois une certaine efficacité dans la transmission au lecteur des émotions qui se succèdent : l’attente, la peur, le désir, la colère, la manipulation, la vengeance… mais tout ceci ne réussit pourtant pas à convaincre.

 

Vous l’aurez compris, je suis mitigée.

L’incohérence comportementale des protagonistes ; l’absurdité de l’intrigue qui devient très vite irréaliste, voire peu plausible ; l'une des scènes finales entre Colombe et son mari, inappropriée. Bref, l’ensemble ne donne pas vraiment de corps au texte.

Et j’ajouterais que le fait de vouloir traiter simultanément plusieurs sujets très différents est une erreur, car au final, à vouloir en faire trop, on s’éparpille. À se disperser, on survole. À effleurer les thèmes, on ne les affuble d’aucune légitimité. Je n’ai pas trouvé assez de profondeur, de puissance dans les messages.

Contre toute attente, la fin est néanmoins surprenante, même si elle est un peu expédiée et qu’elle manque aussi de crédibilité. Le dénouement a au moins le mérite de désarçonner.

 

Je n'ai pas lâché l’affaire pour autant et vous ai préparé la critique d'un deuxième roman de Tatiana de Rosnay : L’appartement témoin. M'a-t-il séduit? Découvrez-le.

 

bottom of page