Le sourire aux livres
Delphine Raimond, en direct de l'Île Maurice
Le secret du mari
Liane Moriarty
J’aime beaucoup cette romancière australienne née en 1966, découverte il y a quelques années déjà, dont chaque parution est un « best-seller ». Elle brosse mieux que personne des galeries de personnages et de situations de la vie ordinaire, pas tout à fait ordinaire, et offre toujours au lecteur une intrigue qui fait mouche.
L'histoire :
Cécilia Fitzpatrick, mère de trois adorables fillettes et honorable épouse de John-Paul, mène une vie de famille heureuse, parfaitement rangée et orchestrée, dans une banlieue tranquille de Sydney. Elle tombe bientôt par hasard sur une enveloppe cachetée qui lui est destinée, une lettre de son mari à ne lire qu’après sa mort. Que faire ? L’ouvrir du vivant de celui-ci ou respecter sa volonté et attendre ?
Mon avis:
Changement de registre après mes dernières lectures historiques et biographiques (et aussi plus sombres), retour aux romans et à leurs intrigues jubilatoires ! Qui mieux que Liane Moriarty pour me régaler ? Ses livres sont des pavés – entre 500 et 600 pages – mais sont encore trop courts !
Le secret du mari (publié en France en 2016) parle d’un gentil et respectable époux qui a comme qui dirait quelque chose à cacher. Le lecteur est alors plongé dans la confidence, et se demande bien où une telle vérité va le mener.
Les trois premiers chapitres présentent tour à tour trois familles, trois contextes, trois femmes de caractère, Cécilia, Rachel, Tess (les héroïnes), dans des vies plus ou moins directement liées entre elles. Beaucoup de personnages, les épouses, les maris, les membres de la famille, les enfants, les proches… si on est au départ un peu perdu, c’est vrai, tout se met rapidement en place et devient limpide.
La plume de l'auteur est dynamique et les pages se tournent avec frénésie, on ne peut plus lâcher le livre.
Chaque personnage est attachant, curieux, intriguant ou détestable, et peut nous ressembler. Des monsieur tout-le-monde, des madame parfaite dotés de ce qu’il faut de clandestinité, d’une ombre qui plane au-dessus de leur pavillon dans la petite ville australienne. Liane Moriarty semble vouloir s’attarder sur le quotidien banal et tranquille de ces gens anonymes, oui, mais c’est pour mieux nous surprendre, bien sûr ! Et quelle réussite !
Sept parties, les sept jours de la semaine pascale, une atmosphère prout prout catho (Cécilia est croyante et pratiquante, ses filles, comme tous les enfants du quartier, vont à l’école privée St Angela), une révélation sordide et un récit qui va crescendo !
Sous ses allures de roman feel good, Le secret du mari bouscule nos convenances, titille notre psychologie (féminine), secoue notre morale. Car oui, l’auteur parvient à ajouter au récit chargé d’humour ces questions existentielles insufflées par l’intrigue, ce regard sur ces tranches de vie baignées de drames et rivées à un secret.
Ce livre évoque avec justesse et tendresse, réalisme et humour, le rapport à la foi, au pardon et à la rédemption. La colère, la culpabilité, les remords. Le deuil. Le doute. Les limites de l’acceptable…
Une très belle galerie de portraits de femmes attachantes et humaines. Une intrigue intéressante au rythme équilibré et parfaitement maîtrisé. C’est à regret que l’on referme le livre.
Et vous, auriez-vous ouvert la lettre ? Mais surtout, si oui, comment auriez-vous appréhendé son contenu ?