Le sourire aux livres
Delphine Raimond, en direct de l'Île Maurice
Black Earth Rising - Décevant car trop superficiel !
Une série de 2018, de l'écrivain, producteur et réalisateur anglais Hugo Blick.
Un sujet non seulement historique - bien que quasi contemporain, malheureusement - mais aussi suscitant l’intérêt général, la nécessité d’en savoir davantage sur le génocide rwandais (ou plutôt tutsi) qui selon la génération à laquelle on appartient reste peu ou méconnu.
Au départ, donc, la série fait une belle promesse aux téléspectateurs, celle de leur révéler la vraie histoire. Des personnages plantés, impliqués, et de bons acteurs. Une fiction, certes, mais qui s’inscrit à priori dans une volonté d'offrir réalisme et décors soignés. L'histoire se déroule en Grande Bretagne, en France, au Rwanda, au Congo.
Kate, l'héroïne broyée par son passé, incarne sans l’assumer vraiment la représentante de toutes les victimes Tutsi et l’injustice de leur sort. Perdue, agressive, on lui découvre vite un manque cruel de crédibilité. Un visage dur, fermé, révolté. Magnifique à la fois. Elle tente de garder la tête hors de l’eau et de vivre “normalement”, lutte contre ce que son histoire a fait d’elle et surtout, en fait des tonnes ! On ne peut alors éviter de se poser cette question : à défaut de vivre normalement, pourquoi ne pourrait-elle pas vivre tout court ? Elle a survécu, a eu cette chance unique de se construire, bien loin, bien à l’abri, avec les moyens de le faire, une mère aimante et un excellent niveau social.
Très rapidement, le dossier brûlant du génocide refait surface. Sa mère (que l’on pense l’héroïne) avocate, procureur pénal, remet le nez dans toute l’horreur des massacres pour poursuivre un travail initialisé il y a longtemps et juger l’un des responsables. Mais dès le départ, une scène inattendue installe sa fille à l'avant.
C'est la bascule de la série, son installation, et la quête de la vérité démarre. À ce stade, je ne suis pas charmée par l'héroïne ; elle doit vraiment me convaincre. Je lui laisse une chance de m'offrir une belle surprise, son enquête depuis l’intérieur, avec ses tripes, la recherche de ses racines, de son passé fui. Légitime et ingénieux. Soit !
Mais Kate est alors révélée très (trop) fragile, limite instable, vindicative, empreinte de haine et de rancune, et on se demande souvent ce qui lui prend de réagir avec une telle abondance d'émotions. Je vous l'accorde, le sujet est d'une gravité sans nom, mais les scènes sont, pour moi, surjouées !
Puis, l'on découvre que tout l’entourage de Kate censé la protéger, l’épargner, lui cache quelque chose ; on a alors envie de le découvrir avec elle.
Bof ! Selon moi, le sujet est traité avec trop de clichés. Il en devient superficiel et mal exploité. Décevant.
Une histoire finalement déroulée en trop peu d’épisodes pour en assimiler la complexité. Des scènes précipitées. Des doublages en français mal choisis. Des dialogues qui manquent de subtilité, de réalisme.
Le charisme de Kate est mis à mal, ses émotions sont exacerbées et souvent inappropriées selon les scènes.
Quelques invraisemblances dans le scénario gâchent la profondeur du récit, comme par exemple les allers-retours faciles et rapides jusqu’au Rwanda.
Ce que je retiens de positif cependant, parce que je suis sensible au fond comme à la forme : l'esthétisme recherché dans la beauté des images du génocide pour en atténuer l'horreur. Elles sont dessinées et animées, et l'effet est très réussi. La révélation du rôle et de la place de la communauté européenne dans le massacre. La découverte de la position de ce petit pays africain face au reste du Monde et de sa volonté de se construire et se développer coûte que coûte. Une découverte riche à travers des images et des chiffres (à donner le tournis) sur la population décimée.Une bande son excellente.
Et puis, le faciès de l’actrice principale, Michaela Coel, qui marque, fait peur, aussi. Sa beauté si singulière. Un John Goodman au top.